Paru dans LE DEVOIR.com du 18 octobre 2010
Le Brian Setzer Orchestra en plein air, au cœur de la ville et de l'été. Vous en souvenez-vous? Le plaisir, l'exaltation, la sueur? La fièvre du rockabilly! La pétarade du big band! Quelle soirée c'était! Un des grands coups d'André Ménard. De quoi être fier. Vous étiez là, bien sûr. Nous étions bien 100 000, peut-être 150 000, au show d'ouverture du dernier Festival international de jazz de Montréal: une splendide foule, contemplée d'où j'étais. Ça dansait peu, la place des Festivals était au coude à coude, mais ça se dandinait, oh que ça dodelinait du chef! Il y avait ces îlots où les danseurs de jive dansaient pour tout le monde, et il y avait Setzer courant d'un bord à l'autre de la scène, déchaîné, possédé. Content.
«C'était incroyable, hein?, s'exclame Brian Setzer au bout du fil. Ce show est conçu pour un ballroom, un gros club, et la vérité, c'est que ça déménage n'importe où. C'était fabuleux dans votre grande salle de concert l'année d'avant [Wilfrid-Pelletier], et c'était encore plus fabuleux l'été dernier à l'extérieur. We topped it!» En a-t-il douté un seul instant? «Je me suis posé la question quand André m'a appelé: je ne pouvais pas refuser, c'était un tel honneur. Mais pouvait-on susciter la même frénésie avec un public où la majorité des gens ne sont pas des fans de rockabilly ou de swing, et encore moins des fans du Brian Setzer Orchestra? On a tout fait pour les embarquer, en tout cas.»
Tu l'as dit, mon tatoué. On a même depuis cette semaine le DVD du spectacle en preuve: It's Gonna Rock 'Cause that's What I Do - Live in Concert! paraît à l'enseigne de Setzer (Surfdog) et relaie par les objectifs de sept caméras le spectacle entier, avec la conférence de presse bilingue en complément de programme. Tout est là, les époustouflantes avec l'orchestre de 17 musiciens (Jump, Jive An'Wail, fiou!), les fumantes des Stray Cats (Runaway Boys, ouais!), les fameuses d'Eddie Cochran (Summertime Blues) et Vince Taylor (Brand New Cadillac). «Voir des gars et des filles de 16 ans qui découvrent Summertime Blues et en raffolent, c'est mission accomplie pour moi. Toute mon adolescence, j'ai voulu être Eddie Cochran, et j'ai encore l'occasion, trois décennies plus tard, de perpétuer sa musique: c'est ma fierté.»
Paraît simultanément un album de Noël, Christmas Comes Alive!. Le quatrième du Brian Setzer Orchestra. «On trouve toujours d'autres chansons! Tout le défi est de les adapter à nous: Run Rudolph Run [de Chuck Berry], ça va tout seul, mais Angels We Have Heard on High?» C'est quand même un phénomène: Setzer a carrément inventé un genre musical à lui tout seul. Du rockabilly pour big band, avec la guitare Gretsch comme instrument de base, fallait y penser. «C'est la Gretsch qui mène!» Setzer en a plusieurs, des Gretsch, certaines portent sa signature et sont bâties selon ses configurations, mais il garde pour sa toute première une affection particulière.
L'anecdote est trop belle pour ne pas la raconter, une fois de plus. «Je l'ai trouvée par les petites annonces du journal local, dans mon coin [Long Island]. Payée 100 $. "Gretsch guitar, orange", disait l'annonce. Au téléphone, j'ai demandé au type si elle était comme celle d'Eddie Cochran, il n'en savait rien. C'était la même. Sans étui. Au magasin d'instruments le plus proche, deuxième coup du destin, il y avait un "cowboy case" de 1959 de la bonne grandeur. Pour 25 $. Il me manquait seulement l'ampli. Que j'ai trouvé aussi. Un Fender blanc que j'ai eu d'un autre gars au New Jersey, un ancien jazzman qui, littéralement, donnait son matériel. Quand j'ai branché là-dedans la Gretsch orange, j'ai frissonné. C'était ça. C'était le son. Et c'est mon son depuis.» Et c'est le son qui a mené Montréal au bord de l'extase? «It certainly is!»