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Jean-Michel Aphatie : Bonjour, Luc Ferry.

Luc Ferry : Bonjour, Jean-Michel Aphatie.

Quelle bataille ! Rendre facultative l'étude de l'histoire pour les lycéens de Terminale S : c'est une bonne ou une mauvaise idée ?

C'est surtout que ce n'est pas l'idée. Ce n'est pas du tout ça le projet. Il faut prendre la réforme globalement pour essayer de comprendre ce qu'elle signifie et ce n'est pas du tout ce qui a été fait par la pétition qui est purement corporatiste. Et en plus, élitiste parce que, encore une fois, si ça ne s'était pas fait à propos de la Terminale S, on n'aurait jamais ouvert une pétition. Si on avait fait une réforme touchant les STI ou les STT, personne n'en aurait parlé.

Donc, quel est l'enjeu de la réforme ? Il faut quand même essayer de comprendre. Il ne faut pas tout le temps être corporatiste. Il faut quand même essayer juste un peu de comprendre et partir de l'idée que le ministre n'est pas forcément un crétin doublé d'un nuisible. Essayons de voir ce qu'il voulait faire !

Ce qu'il veut faire c'est, en vérité, c'est ça le paradoxe, il vaut à tout pris sauver la filière littéraire. C'est ça le seul véritable enjeu de la réforme. Pourquoi ? Parce que la filière littéraire, ça fait quinze ans qu'on sait qu'elle est en voie d'extinction. Aujourd'hui, elle est en-dessous des 9%, c'est-à-dire qu'il y a moins de 9% des élèves qui choisissent la voie littéraire, ça veut dire que la vieille classe de philo, la classe de Terminale A de notre temps est en train de mourir. Alors, comment la sauver ? Ah bien sûr, on dira : mais c'est un sophisme, c'est certainement pas en supprimant l'enseignement de l'histoire ou en le réduisant qu'on va sauver la filière littéraire. Justement, si ! c'est ça le paradoxe. Simplement il faut être un tout petit peu intelligent pour comprendre.

Et les professeurs ne le sont pas ?

Non, les corporatistes le sont rarement. Vous savez, le corporatisme est rarement quelque chose qui pousse à l'intelligence ; et donc, il faut juste faire un tout petit effort pour comprendre. Si la Terminale Littéraire, c'est simplement la même chose que la Terminale Scientifique, en moins bien, alors elle est morte. Il faut le dire carrément ; si on veut la supprimer, on met la clef sous la porte et on arrête.

Pour que la filière littéraire soit revalorisée, il ne faut pas qu'elle soit simplement la filière scientifique moins les sciences parce que les sciences c'est trop difficile pour les littéraires, il faut faire une vraie filière littéraire, une vraie filière économique et sociale - sciences sociales, et une vraie filière scientifique.

Alors que propose le ministre ? Il dit : voilà - et c'est très intelligent, il a totalement raison -, on va faire un tronc commun jusqu'à la fin de la classe de Première, ça suppose qu'on augmente l'enseignement de l'histoire en Première Scientifique et qu'on puisse ainsi faire des passerelles entre les trois sections : entre la section littéraire, la section sciences sociales et la section scientifique. Donc, on va retarder la spécialisation jusqu'à la classe de Terminale. En revanche, à partir de la classe de Terminale, on va faire une vraie filière littéraire, une vraie filière sciences sociales et une vraie filière scientifique.

Et j'ajoute une dernière chose ; et c'est pour ça que je rappelle quand même que l'association des profs d'histoire étaient d'accord avec cette réforme - alors que c'est l'association la plus corporatiste de France -, et ils étaient d'accord ; ils ont été consultés. Pourquoi ?

Vous êtes sûr de ça ?

Mais évidemment, j'en suis certain.

Mais ils ont dit : oui, on est d'accord !

Je vous l'assure, voilà. J'en ai l'information la plus certaine qui soit. J'ai quand même gardé quelques...

Et donc, ils ont changé d'avis ?

Mais évidemment. Pourquoi ils étaient d'accord avec cette réforme ? Parce que - Alain Duhamel le disait très justement tout à l'heure - un élève de Terminale S qui voudra garder l'option histoire, par exemple parce qu'il veut faire Sciences Po, il fera paradoxalement plus d'histoire qu'aujourd'hui ; et celui qui ne voudra pas faire d'histoire en Terminale Scientifique, il en fera juste un tout petit peu moins, donc il n'y a rien de gravissime. Enfin, j'aurais mille choses à dire encore !

Donc, c'est une pétition totalement corporatiste et élitiste. Corporatiste, ça veut dire quoi ? On défend sa discipline, l'histoire, et on ne réfléchit pas à l'intérêt général, c'est-à-dire la réforme d'ensemble du lycée et qui vise, encore une fois, c'est ça le paradoxe ! Le malheureux Chatel ! Je me mets à sa place, ça doit être terrible ! Le paradoxe, c'est qu'il veut défendre les humanités et ce sont les représentants des humanités qui lui tombent dessus.

Voilà un avocat passionné de la réforme de Luc Chatel.

Attendez parce que si je ne le pensais pas, je ne vous le dirais pas. Vous le savez très bien.

On en est absolument convaincu ! Et la pétition que vous évoquez, donc qui conteste cette réforme, est signée par Jean-Pierre Azéma, Anthony Beevor, Alain Finkielkraut, Jacques Le Goff, des gens tout de même ! Alors, après la politique, aussi, s'en est mêlée.

Ce sont tous des amis.

Martine Aubry, Laurent Fabius, Jack Lang, Renaud Muselier, député UMP, enfin c'est large aussi tout de même !

Ah çà, vous savez...

Vous n'allez pas tous les traiter de "crétins" quand même ! Ils ont bien dû savoir ce qu'ils signaient ?

Ah ça, je me garderai bien de faire ça. Ca me ferait beaucoup d'ennuis.

C'est un peu ce que vous avez fait ! Vous ne l'avez pas dit comme ça, mais quand même, quand même...

Vous aimeriez bien ! Non, je ne vais pas dire exactement ça, j'ai dit corporatiste et élitiste. Je pèse mes mots. Corporatiste et élitiste, ça veut dire quoi ? Ca veut dire qu'encore une fois, on défend une discipline : l'histoire ; ou on croit la défendre, alors qu'en vérité, on ne la défend pas puisque le projet, encore une fois, c'est de maintenir la classe littéraire qui n'est plus viable, il faut le savoir. Elle est fichue cette classe littéraire aujourd'hui. Si on continue comme ça, elle est morte, elle est déjà morte en vérité. Si le ministre était un gestionnaire aux petits pieds, il fermerait la porte.

Et donc, je dis ça : c'est corporatiste parce qu'on ne réfléchit pas à l'intérêt général et à la structure d'ensemble de la réforme. Et je dis : c'est élitiste parce qu'encore une fois, si ce n'était pas en Terminale S, personne n'en aurait parlé. Et donc, je maintiens ce que je vous disais : un élève de Terminale S qui voudra faire de l'histoire pour aller à Sciences Po en fera plus qu'avant ; et celui qui ne voudra pas, en fera un tout petit moins qu'avant.

Et j'ajoute encore une dernière chose : tous les parents qui ont des élèves au lycée, tous, je prétends : tous, à 99,9%, savent parfaitement que nos élèves de lycées ont beaucoup trop d'heures.

J'aurais aimé que les intellectuels qui signent des pétitions aujourd'hui se révoltent contre Darcos à supprimer des heures à l'école primaire, ça c'était un scandale ; et qu'on fasse, en plus, les programmes les plus bêtes de l'histoire de l'humanité ; là on aurait eu besoin que des intellectuels se mobilisent. Et là, c'est juste parce que c'est la "classe des bobos", que parce que c'est la Terminale S qu'on se mobilise, et en plus on ne défend pas les humanités en faisant ça parce qu'il faudrait demander aux pétitionnaires s'ils veulent à tout prix qu'on ferme la classe littéraire. Le but de leur pétition, en vérité, c'est ça : c'est qu'on garde la classe d'excellence parce que c'est la classe des bobos et la classe littéraire, on s'en fout intégralement ; et si on continue comme ça, je vous dis qu'elle est morte simplement. Et ce que je vous dis, ce n'est pas une blague, tout le monde le sait.

On vous entend Luc Ferry. Vous savez comment ça va se terminer ? Sans doute, Luc Chatel va être obligé de retirer son projet comme d'habitude !

En tout cas, ce qui est assez fascinant, c'est que même - encore une fois, je le confirme - il avait consulté l'association des profs d'histoire et géographie qui étaient d'accord avec le projet, il a fait beaucoup de consultations. Il est allé dans les lycées. Le projet est intelligent, le projet est justifié ; et bien même quand c'est comme ça, que vous pensez que tout se passe bien, eh bien les catastrophes vous tombent dessus au dernier moment.

Ce qui prouve, c'est ce qu'Alain Duhamel disait tout à l'heure (il avait aussi raison) à la limite, il faudrait être clair : supprimons le ministère de l'Education nationale ! Ou comme dit mon ami Jacques Julliard, De toute façon, "l'enseignement scolaire n'est qu'une phase transitoire !" Alors, il faut être honnête aussi, c'est un peu comme démonter la Tour Eiffel, ce n'est pas sûr que ça passe non plus !

Ce qu'il y a de bien avec Luc Ferry, c'est qu'il est mauvais en tout : c'est un "philosophe" (du moins le prétend-il) de merde, ce fut un ministre de merde et, à la lecture de cet entretien, on peut également mesurer à quel point c'est un analyste toujours de merde.

Je ne comprends pas bien en quoi réduire les heures d'histoire en terminale scientifique (elles sont compensées certes mais pas à la même hauteur) pourra relancer la filière littéraire. L'élitisme n'est pas dans l'Histoire (qui est exactement le contraire puisqu'elle est notre point commun à tous) mais dans le recrutement des grandes écoles et dans la perception des qualifications. C'est le même problème avec les filières manuelles. Le petit bout de la lorgnette...

etudiant poil aux dents

Boutonneux et militants
Pour une société meilleure
Dont y s'raient les dirigeants
Où y pourraient faire leur beurre
Voici l'flot des étudiants
Propres sur eux et non-violents
Qui s'en vont grossir les rangs
Des bureaucrates et des marchands
Etudiant poil au dents
J'suis pas d'ton clan pas d'ta race
Mais j'sais qu'le coup d'pieds au cul
Que j'file au bourgeois qui passe
Y vient d'l'école de la rue
Et y salit ma godasse

Maman quand j's'rais grand
J'voudrais pas être étudiant
Alors tu seras un mois que rien
Ah oui ça j'veux bien

Etudiant en architecture
Dans ton carton à dessin
Y a l'angoisse de notr'futur
Y a la société d'demain
Fais-les nous voir tes projets
Et la couleur de ton béton
Tes H.L.M. sophistiqués
On n'en veut pas nous nos maisons
On s'les construira nous même
Sur les ruines de tes illusions
Et puis on r'prendra en main
Quoi donc ? L'habitat urbain
Je sais ça t'fait pas marrer
J'pouvais pas m'en empêcher

Maman quand j's'rais grand
J'voudrais pas être étudiant
Ben alors qu'est-ce que tu veux faire ?
Je sais pas moi gangster

Etudiants en médecine
Tu vas marner pendant sept ans
Pour être marchand d'péniciline
Tes saloperies d'médicaments
Aux bourgeois tu r'fileras
Des cancers à tour de bras
Et aux prolos des ulcères
Parc'que c'est un peu moins cher
Et l'tiers-monde qu'a besoin d'toi
Là c'est sur que t'iras pas
Malgré tous ceux qui vont crever
T'oublieras que j'ai chanté
La médecine est une putain
Son maquereau c'est l'pharmacien

Maman quand j's'rais grand
J'voudrais pas être étudiant
Ben alors qu'est-ce que tu veux être ?
Je sais pas moi poète

Etudiant en droit
Y a plus d'fachos dans ton bastion
Que dans un régiment d'paras
Ça veut tout dire eh ducon !
Demain c'est toi qui viendras
Dans ta robe ensanglantée
Pour faire appliquer les lois
Que jamais on a voté
Ta justice on en veut pas
Pi si tu finis notaire
P't'être qu'on débarqu'ra chez toi
Pour tirer les choses au clair
Et tant pi s'il est pas là

Maman quand j's'rais grand
J'voudrais pas être étudiant
Ben alors qu'est-ce que tu veux faire ?
Je sais pas moi infirmière

Etudiant

Surtout venant de Renaud, ça fait doucement rigoler... Je pense que depuis, il est plus nuancé, et qu'il est reconnaissant d'être bien soigné ( Frenchy )

Mais je l'aime bien quand même Renaud. Je l'aime bien et je le crois vrai.

Et alors Le Hub', t'as plus d'histoire à nous conter ?

Une histoire pour t'endormir et faire de doux rêves ou une Histoire (de France ou d'ailleurs) ... ?

Pourquoi choisir... ?

Une Histoire de France alors...

Une histoire d'Amour...